Eclairage de nos experts sur la conduite du Changement !

La dernière rencontre du Club Management de projets a eu lieu le 17 mai 2018, simultanément à Lille (album photos) et Paris (album photos) : Magali Cauet (SK 2014), Johan MALLET (SK 2009), Marion BHAGWANI-COURAL (SK 2016) et Anne de Morais nous livrent leur regard d'experts sur la conduite du changement ! Nous remercions également Bénédicte Dagnac (SK 2006), Directrice adjointe (marketing-stratégies digitales) ROSSEL Advertising France et Cédric Flipo (SK 2003), Associate Consultant DFakto pour leurs interventions.

1 – Quelle a été votre expérience de conduite du changement la plus marquante ?

Magali CAUET (SK 2014), responsable Conduite du changement France au sein de Mi GSO.

Il s'agissait d'une mission chez Jaguar Land Rover durant laquelle nous avons été amenés à revoir les processus E2E de production de voitures et où nous avons fait face à des poches importantes de résistance dans les usines au niveau des techniciens - qui pouvaient s'ils le souhaitaient avoir un pouvoir de nuisance très fort. Nous avons parié sur ceux qui étaient le plus farouchement opposés à notre projet et nous les avons nommés ambassadeurs de leur département pour l'amélioration et le déploiement du nouveau processus. C’était un pari risqué, mais qui a porté ses fruits. En impliquant au plus tôt ces personnes et en leur donnant une responsabilité dans le projet, nous avons changé les plus réfractaires (qui étaient aussi les plus influents) en véritables ambassadeurs de notre projet. C'est ainsi que je me suis rendue compte de l'importance des "change agents", de bien les choisir et les impliquer au projet. 

Johann MALLET (SK 2009), Project Manager freelance MAPP

Une de mes premières expériences marquantes en conduite de changement était dans le cadre de la mise en place d’un nouvel ERP, pour l’un de mes clients chez lequel j’intervenais en tant que Chef de Projet Organisation.
Il s’agissait d’une compagnie d’assurance. Ma première surprise était l’attachement à l’outil opérationnel utilisé depuis plus de 20 ans : fonctionnalités basiques, peu de fluidité, beaucoup de répétitions dans les actions opérationnelles… mais avec une très grande adhésion par ses utilisateurs.
Le challenge était d’autant plus important que le nouvel outil était imposé à l’organisation, suite à une décision groupe.
Le changement s’est relativement bien passé grâce à la priorisation du projet par toute l’entreprise, ainsi que les efforts de communication pour mettre en avant les avantages de la nouveauté.

Anne de Morais, Cultural Transformation Project Director and People & Change Manager à la Société Générale

Il s’agit de la conduite du changement du projet CHORUS, qui visait à mettre en place SAP au sein de l’ensemble des ministères d’Etat afin de gérer les commandes, le budget et la comptabilité publiques. J’avais une équipe de 10 consultants dédiés à l’accompagnement du ministère des finances et ses représentations locales, les Trésoreries Générales partout en France. Le projet a été extrêmement riche et apprenant sur le fond : comprendre comment fonctionne un Etat, comment sont gérées les dépenses et les recettes était une situation qui faisait écho en tant que citoyenne. En termes de conduite du changement, de gros moyens étaient prévus pour assurer le succès de ce projet car tout dérapage ou non adhésion pouvait avoir des conséquences importantes au niveau de l’opinion publique (fournisseurs de l’Etat payés en retard, etc). J’ai donc eu les moyens de dérouler un plan de conduite du changement efficace et sans coupe budgétaire, comme c’est souvent le cas sur d’autres projets.

Marion BHAGWANI-COURAL (SK 2016), consultante en SIRH, Cabinet HR Mind (Groupe HR Path)

En 2016, j’ai travaillé pendant près de six mois chez l’un des leaders mondiaux de la vente de biens de consommation pour le bricolage et la décoration de moyennes surfaces.
Mes missions consistaient principalement à conseiller et accompagner les différentes enseignes du Groupe dans leur transformation.
Le projet portait notamment sur la mise en place d’un C.S.P. Paie (Centre de Services Partagés), la transformation des métiers RH / managériaux et également sur le déploiement d’un nouveau logiciel de Paie.

Ce fut très challengeant d'intervenir sur une conduite du changement complexe du fait de son périmètre multi-sites, France entière et de ses acteurs dispersés dans plusieurs enseignes, chaque enseigne ayant sa propre identité et pas le même niveau d'adhésion au projet.

2 – Quels sont, selon vous, les enjeux d’une conduite du changement réussie dans un contexte où les transformations s’accélèrent de plus en plus ?

Magali CAUET

Nous sommes effectivement dans un monde où tout va beaucoup plus vite, il en va de même des changements majeurs qui doivent s'accélérer afin de garder un pas d'avance sur la concurrence. Une bonne conduite du changement est d'autant plus importante lors de transformations rapides pour assurer la pérennité des bénéfices escomptés du changement. La communication et l'accompagnement des personnes impactées par le changement me semble clef dans ce contexte afin de s'assurer que personne ne se sente perdu et angoissé. Lorsqu'il y a une bonne communication transparente avec le message adéquat, même si le changement est très rapide les collaborateurs seront beaucoup moins angoissés car ils savent où ils vont.

Johann MALLET

L'enjeu est de mener la Conduite de changement sur tous les niveaux hiérarchiques de l’organisation. La conduite du changement a trop souvent été réduite à une traditionnelle présentation PowerPoint avec remise d’un dépliant aux équipes opérationnelles. Or, pour que le changement soit accepté, il faut que le projet soit cautionné et porté par les équipes managériales et de direction.
De plus, il est indispensable de communiquer sur les avantages globaux du changement pour l’organisation. Naturellement, les utilisateurs finaux ont tendance à réduire le changement aux quelques écarts négatifs qu’ils subiront dans leur propre quotidien. Or, il est nécessaire de communiquer sur les avantages courts et longs terme, que ce changement aura pour l’utilisateur et son organisation. L’idéal est d’accompagner les équipes dans la recherche de ces écarts positifs - l’adhésion sera d’autant plus forte pour le changement.

Anne de MORAIS

Le véritable enjeu selon moi aujourd’hui est de revisiter la conduite du changement totalement. Déjà, parce que les transformations se succèdent, on a rarement le temps de les traiter une à une. Dans l’idéal, si les entreprises se donnent les moyens de bien gérer l’adhésion des collaborateurs à ces transformations, il faut plutôt gérer la conduite du changement comme une activité de fond pour développer chez les collaborateurs la « perméabilité » au changement, voire l’appétence au changement. Il faut permettre aux collaborateurs de ne plus être déstabilisés par le changement, ou en résistance par rapport à lui. Il faudrait développer la capacité à voir le changement comme une opportunité de progresser, un gain plutôt qu’une perte. Ensuite, dans un environnement digital où les citoyens sont invités à s’exprimer en permanence en toute liberté, à donner leur avis, à « évaluer » des fournisseurs (étoiles Uber, AirBnB, …), on sent un besoin grandissant d’être acteur de son environnement, de participer, d’être impliqué. La conduite du changement doit accompagner ce mouvement de fond en mettant en œuvre l’intelligence collective comme levier d’adhésion : je fais participer les collaborateurs à la décision, à la mise en œuvre, plutôt que de leur expliquer ce que la Direction a prévu pour eux.

Marion BHAGWANI-COURAL

Selon moi, "une conduite du changement réussie se traduit par une entreprise porteuse d’un bon climat social" .
De la même façon, cela réside aussi dans le « sens » que la Direction donne au projet, c’est à dire la réponse au « pourquoi » de la transformation (organisationnelle et/ou outils) de l’entreprise. Il est ainsi primordial d’arriver à donner du sens auprès des utilisateurs finaux et d’arriver à superposer ce « pourquoi » avec la stratégie globale de l’entreprise. De cette manière, l’adhésion est facilitée.

3-  Quelle est votre challenge 2018 en termes de Conduite Du Changement ?
Magali CAUET

La gestion de projet se normalise de plus en plus depuis une quinzaine d'années. Le défi maintenant pour faire évoluer ce domaine et cette profession est d'y intégrer la conduite du changement à part entière. C'est un élément qui doit être considéré comme clef car n'oublions pas que l'objectif d'un projet n'est pas de livrer le projet dans les temps, aux coûts impartis et avec le périmètre convenu mais bien d'atteindre les objectifs attendus dans le business case ! Et vous aurez beau finir votre projet de nouvel outil informatique en respectant chacun des aspects du triangle d'or de la gestion de projet, si vous n'avez pas embarqué avec vous les utilisateurs - ils continueront à utiliser leurs fichers excel et vous aurez perdu votre temps et votre argent !

Johann MALLET

Depuis plusieurs années, les transformations s’accélèrent, et les organisations doivent s’adapter pour suivre le rythme. "Le challenge pour 2018 et les années à venir, est donc d’alléger des processus de conduite de changement parfois lourds, pour les rendre plus agiles et adaptables aux nouveaux contextes".

Anne DE MORAIS

Continuer à expliquer l’intérêt de cette discipline, les apports majeurs pour accompagner la transformation de société que nous sommes en train de vivre, et surtout faire exploser les pratiques d’intelligence collective à tous les niveaux de l’entreprise : dans le management, dans la gestion de projets, dans la gouvernance, car je crois que pour développer l’appétence au changement c’est le meilleur levier !