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Interview

Comment entreprendre avec l'incubateur de SKEMA ? Philippe Chereau, Directeur de SKEMA VENTURES

10 novembre 2022 Interview

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Diplômé de l’EDHEC en 1989, j’ai passé trois années dans la chimie chez DOW Chemical (leader mondial mais néanmoins pionnier dans la notion d’intrapreneuriat) avant de m’engager pendant plus de dix ans comme entrepreneur dans les sciences du vivant. Ce fut une période particulièrement riche avec des entreprises à croissance ultra-rapide et une introduction en bourse. Puis l’envie de transmettre et d’accompagner m’a fait prendre la direction des activités Conseil en stratégie de KPMG sur la région PACA. Après avoir ensuite créé la division conseil aux entreprises de la CCINCA, je me suis engagé dans un vieil objectif mis de côté : l’entrée en thèse de doctorat. Une période très chargée où pendant quatre ans j’ai mené mes activités professionnelles de front avec mes travaux de recherche à SKEMA et Aix-Marseille Université, pour finalement soutenir ma thèse en 2012. Mais dès 2011, SKEMA m’avait proposé de relancer le MSc Entrepreneuriat et Innovation. Cela a été ma mission en tant qu’enseignant-chercheur jusqu’en 2017, date à laquelle j’ai pris la direction de SKEMA Ventures, pour y déployer l’entrepreneuriat au-delà des programmes ou des tracks dédiés.

Qu’est-ce qu’un incubateur dans une école de management ?

Cela devrait être, et c’est la mission de SKEMA Ventures, un dispositif de stimulation de l’esprit entrepreneurial des étudiants (et des diplômés), d’accompagnement à l’idéation, à la structuration du projet et à la création et la croissance d’entreprise. Un incubateur est là pour stimuler l’intension d’entreprendre et faire passer à l’acte. En ce qui concerne SKEMA Ventures, nous nous centrons sur les projets à impact positif.

 

Qui peut se faire incuber au sein de SKEMA Ventures ?

Le dispositif d’incubation SKEMA Ventures, appelé la Venture Factory, est ouvert à tout étudiant ou diplômé de SKEMA, quelle que soit son année d’étude ou sa filière (BBA, PGE, MS, MSc, MBA) et à toute équipe porteuse d’un projet comprenant un co-fondateur issu de SKEMA. Nous sommes délibérément dans une démarche inclusive contrairement à d’autres institutions. Notre objectif est de créer de l’impact social, sociétal ou environnemental par la création d’entreprises.

 

Quels types de projets les étudiants et les diplômés peuvent-ils mener au sein de SKEMA Ventures ?

Tous types de projet à impact positif et à potentiel de croissance.

Les projets doivent répondre à des critères bien spécifiques pour être accepté en incubation. Ces critères sont précisés dans la charte SKEMA Ventures. Les projets accueillis dans le cadre de la Venture Factory ont pour vocation d’être :

1) porteurs d’une mission alignée sur les objectifs de développement durable de l’ONU, 

2) innovants (l’innovation peut être technique, technologique, sociale, marketing ou de business model…), 

3) avec un potentiel de montée en puissance (scalable).

4) avoir dépassé le simple état d’idée avec une première étude de marché et quelques repères chiffrés fiables.

 

Sur quels critères sélectionnez-vous les projets que vous choisissez d’incuber ?

En sus des critères évoqués plus haut, nous sommes attentifs à la posture entrepreneuriale des porteurs de projets. L’incubation par SKEMA Ventures n’est pas un dû, c’est un engagement mutuel de réciprocité. Nous avons eu dans le passé des entreprises pour lesquelles nous avons tout déployé, depuis la validation du marché, les tests de business model, l’accompagnement juridique ou encore l’ouverture de notre carnet d’adresse personnel pour les premières ventes. Et puis soudain, parce qu’à la faveur d’un concours de pitch l’entreprise gagne 6 mois d’hébergement gratuit dans un grand espace parisien, les porteurs ne font plus mention de SKEMA Ventures. Ceci ne se produit plus, nous mettons les choses au point dès le début. C’est aussi un enseignement pour les entrepreneurs : dans les affaires, la fidélité paie toujours. Cette posture a déclenché une vraie coopération entre les entrepreneurs. Je dois dire que cela a aussi été particulièrement servi par les associations SKEMA Ventures Club de chaque campus qui effectuent un travail de sensibilisation à l’esprit entrepreneurial et plus récemment de pré-coaching remarquable.

 

Comment accompagnez-vous les porteurs de projets ?

Nous les accompagnons en mode individuel ou collectif, au fil de l’eau, en mettant à leur disposition des ressources humaines (les managers de la Venture Factory, eux-mêmes souvent entrepreneurs, et leur réseau interne ou externe à SKEMA sur chaque campus), des outils et des méthodes complémentaires des enseignements qu’ils peuvent recevoir dans leur cursus académique, et tout un écosystème indispensable aux entrepreneurs depuis l’idéation jusqu’à la croissance. Vous l’avez compris, notre dispositif a été construit par des entrepreneurs pour des entrepreneurs. Nous avons mis en place ce que nous aurions rêvé avoir quand nous nous sommes lancés nous-mêmes.

Dans la pratique, dès l’identification d’une opportunité, les futurs entrepreneurs sont accompagnés dans la validation de cette opportunité et la formulation de l’idée entrepreneuriale. Ils sont ensuite guidés dans la construction du business model qui permettra de transformer l’idée en une proposition de valeur viable, et dans la formalisation du business plan pour mettre en œuvre ce business model. Les entrepreneurs sont enfin accompagnés dans la création de l’entreprise (y compris sur le plan juridique) et finalement dans l’accès au marché et aux financements en liens très étroits avec nos réseaux de partenaires. 

 

Combien de temps dure le programme d’incubation ?

Ce n’est pas un programme, mais un dispositif que l’on peut prendre en marche à tout moment de sa scolarité à SKEMA ou après sa diplomation. Officiellement, on reste incubé 18 mois, renouvelables une fois. Dans la pratique, nous continuons à accompagner des entrepreneurs qui ont créé il y a plus de 5 ans. Mais là, il s’agit davantage de conseil dans leur stratégie de croissance.

 

Qu’est-ce qui fait, selon vous, la spécificité de l’accompagnement de SKV ?

C’est le triptyque formation-accompagnement-communauté. Nous sommes un incubateur d’école. Ce point est très important. En complément des programmes d’enseignement de SKEMA Business School, La plateforme SKEMA.VENTURES est le support digital d’un corpus spécifique de modules d’apprentissage, de méthodes et d’outils dédiés à l’entrepreneuriat. Pendant l’accompagnement dans l’incubateur, nous mettons un point d’honneur à vérifier que les entrepreneurs mettent en pratique les connaissances apprises en cours. SKEMA Ventures est en quelque sorte un « crash test » de la bonne assimilation des enseignements de notre institution. A ce titre nous avons régulièrement des échanges avec les responsables du PGE ou du BBA. Enfin, La Venture Factory est construite sur une communauté apprenante composée du corps professoral, de la communauté des alumni, de partenaires de chaque écosystème local… et de la communauté des étudiants SKEMA. Cette communauté, justement appelée la Venture Family, fonctionne en mode de coopératif en temps réel. Ce faisant, elle se nourrit des expériences individuelles et collectives puisées dans chaque projet entrepreneurial.

 

Avez-vous des mentors ou Business Angels qui font partis de l’incubateur ?  

Il y a plus de 200 experts qui font partie de la Venture Family, dont 80% d’alumni. Quant aux business angels, nous avons des partenariats avec eux pour chaque campus, tout comme avec tous les acteurs clés de nos écosystèmes, essentiels à la réussite des entrepreneurs. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, nos entrepreneurs ont un taux de survie à 5 ans de plus de 91% et à 10 ans de plus de 88%

 

Des exemples de belles réussites passées par l’incubateur ?

Sur les dix dernières années, les plus emblématiques sont les Monpetitbikini.com. (Audrey Lieutaud, PGE 2007), Flying Eye (devenue Azur Drones) - (Xavier Desseaux, PGE 1994), MyCV Factory (Pauline Lahary, PGE 2012), viibe, web video assistance (Marc Prempain, PGE 2017), Père & Fish (Antony Giordano, Ava Maisani Casanova, Charles Cagnac et Alexandre Rafaitin, SKEMA 2017), Wibes, sneakers responsables (Aurélie Gisclon, BBA 2019 et Nicolas Raudrant, MSc 2018) Time & Joy, plateforme évènementielle (Axel Hutin, BBA 2016), Whympr, application montagne outdoor (Tim Maclean, PGE 2005), Sublimeurs, marketing digital gastronomique (Alaude Lefebvre, PGE 2019) et plus récemment Ensème qui opère dans l’univers de la cosmétique upcyclée (Christelle de Châlus, PGE 2004), Odysway, qui a réussi à repenser l’offre du voyage immersif dans un contexte particulièrement compliqué de pandémie, tout en ayant une démarche responsable chevillée au corps (Romain Masina, PGE 2015). NONO by Charge me, qui propose des totems de chargeurs de batteries de téléphones mobiles (Théo Rouilly, MSc 2019), Poline qui vient de lancer avec succès sa première collections de confitures de légumes après une campagne de crowdfunding exceptionnelle (Margo Millet, PGE 2022), ou encore Somanity, qui développe des exosquelettes grâce à l’impression 3D : une révolution ! (Mathieu Mérian, étudiant BBA).

 

Les projets de SKV pour 2023 ?

Notre proximité avec les entrepreneurs en fait un terreau formidable pour la recherche appliquée en entrepreneuriat. Avec mon collègue Pierre-Xavier Meschi, en partenariat avec Opinionway et le magazine Challenges, nous avons développé le premier indice de la confiance des créateurs d’entreprises, l’indice ICC, qui sera présenté officiellement début 2023.

L’expertise de SKEMA en matière d’IA offre également de formidables opportunités pour élargir le champ des possibles de l’idéation et palier le manque de ressources de certaines startups. Nous étudions sous quelles modalités SKEMA Ventures pourrait bénéficier de cette expertise.

 

Quelques chiffres


Le nombre d’entreprises passées par l’incubateur depuis sa création

Depuis septembre 2017, nous avons incubés 438 projets dont 57% ont comme objet principal au moins un des objectifs de développement durable de l’ONU.  

 

Le nombre d’emplois directs créés par ces start-ups

En moyenne, chaque startup a créé 9 emplois 3 ans après sa création.

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