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Interview

Damien Dernoncourt, SK 1995, ex-CEO de John Hardy et Fondateur du groupe Naga, un entrepreneur émérite dans le monde du Luxe Créatif !

16 avril 2018 Interview

De passage à Paris, Damien Dernoncourt accorde une interview en exclusivité à SKEMA Business School, l’école qui « m’a permis de m’aguerrir, de forger des amitiés durables et de développer mon envie d’internationalisation» nous confie-t-il en début d’entretien.

Damien Dernoncourt est le Fondateur et CEO du Groupe Naga, une holding d'investissements qui soutient et finance des entrepreneurs créatifs et des designers dans les secteurs de la beauté, des accessoires et de la bijouterie.

Il débute sa carrière par un stage à Madrid - SKEMA lui ouvre alors les portes du monde, qu’il ne refermera plus - puis part à Hong Kong où il intègre un groupe d’outillage grand public avant de créer sa première société de branding, merchandising et packaging (Asiapack) qu’il revend pour revenir en France et intégrer le MBA de l’INSEAD.

De retour à Hong Kong, Il prend la direction financière de John Hardy, une marque de bijoux haut de gamme fabriqués à la main à Bali. Il triple la taille de la société en quatre ans, avant de la racheter en 2007, épaulé par le fonds 3i, un an avant la brutale crise financière mondiale qui l’oblige à réduire les effectifs et faire des choix stratégiques drastiques. John Hardy atteindra 1500 employés, un CA de 80 M$ réalisé avec 650 points de vente dans le monde, des ateliers de création à Bali et en Thaïlande, une présence commerciale importante à New York, et son siège social à Hong Kong.

Né près de Lille, il revendique ses racines nordistes mais s’épanouit à Hong Kong où il vit depuis 23 ans.

 

Damien, racontez-nous vos années SKEMA ? Quels souvenirs en gardez-vous ?

Je décrirais mes années SKEMA comme étant des moments intenses d’apprentissage, du Marketing et de la Vente notamment - avec des études de cas que je dévorais – mais aussi et tout simplement d’apprentissage de la vie.
Je garde de très bons souvenirs de ma période en tant que président du Club de Voile (avec la course Spi Dauphine et course Croisière EDHEC) et des amitiés conservées jusqu’à aujourd’hui.
J’ai accueilli pas plus tard que le mois dernier une amie SKEMA à Hong Kong.

Ce sont des années fondatrices, durant lesquelles je suis passé d’un monde homogène (collège de Marcq-en-Barœul 59) à un vrai melting-pot grâce à l’ouverture d’esprit qu’offre SKEMA.

Je garde aussi de cette époque le sens d’un rythme intense, « work hard, play hard » et trois valeurs fondatrices qui m’animent toujoursapprendre, entreprendre et rendre.

 

Quelle est votre définition de l’entrepreneuriat après 23 ans ?

Pour moi, entreprendre se résume à trois critères :

Ne pas redouter l’échec public. J’ai tout quitté pour partir à Hong Kong et me faire licencier au bout de 7 semaines. Premier choc, je ne pouvais pas rentrer en France, trop fier ! Il a fallu rebondir. J’ai donc créé une première société, qui n’a pas du tout marché.

Mais l’envie d’entreprendre était toujours là !  J’ai alors créé Asiapack et connu mon premier succès. Puis sont arrivées les autres aventures, John Hardy, NAGA… En résumé, sur six sociétés, deux ont été un fiasco total et public.

Payer pour travailler. Pendant deux ans, de septembre 2015 à la levée de fonds en décembre 2017, j’ai payé des salaires, des locaux pour lancer Naga, sans me rémunérer. Je suis plus habitué à signer le verso des chèques qu’à les encaisser (rires).  

Avoir une mauvaise évaluation du risque. Vous aurez plus de chance d’avoir du succès chez P&G ou Goldman Sachs que de monter votre propre business. Si vous êtes un animal rationnel, il est peu probable que vous deveniez un entrepreneur.

Ces trois critères sont selon moi fondamentalement liés à la culture de chaque pays, tout comme la perte de face ou la haute estime de soi et de leurs compétences, qui sont définis par une appartenance culturelle.

 

Vous avez connu toutes les étapes auxquelles un entrepreneur doit faire face (rachat, développement, levée de fond, revente, …), laquelle préférez-vous ?

Ce qui me plait le plus c’est de partir d’une idée, la développer en un concept qui deviendra une société, puis un succès. Ce fût le cas pour ma deuxième société, Asiapack. Une idée devenue une belle société de plus de 150 employés que j’ai revendue depuis.

Avec John Hardy, j’ai repris la direction de la société au bord du dépôt de bilan. Ont suivi deux années de restructuration complète. J’ai ensuite eu l’opportunité de racheter l’entreprise à son fondateur à travers un MBO (Management Buy-Out) qui m’a permis de prendre le contrôle du capital de John Hardy. Là aussi, il y avait tout à faire, mais dans un contexte diffèrent.

Chez Naga, nous sommes une douzaine d’associés tous armés de fortes compétences opérationnelles, financières et techniques qui soutiennent la croissance d’entrepreneurs créatifs.

Depuis deux ans, nous avons rencontré plus de 300 entrepreneurs qui sont rapidement passés, par accident, du stade « de designers » à celui « chefs d’entreprise ». Ils rêvaient d’un produit et ce sont retrouvés avec une entreprise. Ils ont besoin d’aide pour structurer puis développer leur marque afin de réussir a survivre puis grandir.

J’aime regarder en arrière et me dire que j’ai transformé une idée en un business modèle qui est devenu une entreprise et une équipe qui ont du succès.

 

Comment concilier excellence, innovation, diversité et humanisme (valeurs chères à SKEMA) quand on est chef d’entreprise ?

L ’adage de Naga est : « Who cares wins ». Je suis intimement convaincu qu’être généreux et attentifs dans son activité professionnelle, c’est bon pour les affaires. Plus on donne, plus on reçoit. J’en conviens, c’est un peu plus dur en France mais en Asie et aux Etats-Unis j’ai eu l’opportunité d’expérimenter cela complètement.

L’humanisme, c’est avant tout du respect. Une entreprise n’est pas une ONG, et quand nous avons dû nous séparer de 300 employés de John Hardy pour une question de survie lors de la crise financière, nous l’avons fait le plus respectueusement possible.

L’excellence, on n’a pas le choix, c’est une question de survie. Pour cela il faut être obsédé par l’idée d’atteindre le meilleur service, le meilleur produit, la meilleure organisation et cela dans les moindres détails.   

Pour moi enfin, la diversité c’est mettre quinze personnes avec des Myers Briggs (types MBTI) différents dans une même pièce. Certes la prise de décision va être plus longue, mais le résultat consenti va être bien plus pertinent. Je ne conçois pas la diversité juste pour la diversité. Elle doit être liée à l’excellence et à l’humanisme, au service de l’innovation.

 

Quelles sont les principales tendances qui façonneront le marché du luxe en 2018, selon vous ?

Les prochaines années vont être une révolution permanente. Pour attirer les clients il va falloir être unique, tant dans l’expérience proposée que dans le design.

Les grandes marques de luxe ne le sont pas vraiment. Elles sont restées très généralistes, alors que le consommateur se spécialise.

Je pense que c’est la fin des marques à plusieurs milliards de CA, au profit de centaines de spécialistes qui vont fragmenter le marché. L’attention du consommateur est de quelques secondes seulement par produit sur Instagram, il faut cibler, se spécialiser et comprendre que notre champ de clients potentiels se réduit mais la fidélisation augmente.

En revanche il y a aussi une possibilité pour les vraies marques de luxe de renaître avec des produits uniques et ciblés. 

 

Quels conseils pour nos futurs chefs d’entreprise ?

Je dirai qu’aujourd’hui plus que jamais, le métier que vous apprenez sera obsolète dans quelques années, quelques mois même. Les métiers, les lois, les technologies changent très vite, alors apprenez davantage à réfléchir, à analyser et à vous connaitre. Et puis, comme je disais plus tôt : apprenez, entreprenez et rendez … continuellement.

 

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https://www.businessoffashion.com/articles/news-bites/nascent-luxury-group-naga-makes-early-moves
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