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Antoine Maton (SKEMA 1993) : réinventer sa vie professionnelle à 55 ans
Après 25 ans de carrière dans l’audit, la gestion des talents et le recrutement dans le Nord de la France, Antoine décide en 2024 d’opérer un virage virage audacieux : quitter l’univers des ressources humaines pour se consacrer pleinement à sa passion pour la voile. Il reprend VIP Marine et s’embarque pour la côte varoise. Une nouvelle vie professionnelle, un nouveau cap. Oser vivre de sa passion : le nouveau standard de notre époque.
Passer des RH à la voile, ça surprend ! Mais finalement, est-ce vraiment si différent ?
Au premier abord, vendre des voiliers et proposer des services de Boat Captain n’a rien à voir avec mes 25 années passées à piloter des missions de recrutement ou à réaliser des audits. Tout est nouveau, excitant, mais en y regardant de plus près, les parallèles sont nombreux.
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La relation business : comprendre les besoins, conseiller, proposer des solutions, avoir le sens du service, gagner la confiance, conclure une vente… C’est exactement la même dynamique qu’en cabinet de conseil en recrutement.
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Les interlocuteurs ensuite : décideurs, cadres ou entrepreneurs, beaucoup partagent des centres d’intérêt proches, et certains ont déjà la voile pour passion. Les aborder avec simplicité, naturel et sincérité fonctionne aussi bien qu’avant. Jouer un rôle ne m’a jamais semblé utile.
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Et puis il y a le réseau : je retrouve aujourd’hui des contacts de mes années d’entrepreneur en recrutement, et même de mon époque d’auditeur chez EY. La passion et les relations humaines traversent les métiers et le temps.
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Gérer une entreprise : j’avais déjà créé Shamrock RH, que j’ai dirigée plus de 10 ans. J’ai ressorti mes anciennes méthodes, en gardant ce qui était pertinent et en ajoutant ce qui manquait : vision à long terme, stratégie marketing, positionnement, communication, plan d’affaires, budget annuel… et les « rituels » du quotidien pour rester efficace et aligné.
Ce « changement de cap » était-il un choix ou quelque chose qui s’est imposé à vous après toutes ces années ?
Je posais souvent cette question aux candidats que je rencontrais dans le cadre des missions de recrutement pilotées pour mes clients : « Que souhaitez-vous faire dans les dix prochaines années ? ». Un jour, je me suis posé la question à moi-même… Et là, j’ai eu le véritable déclic. Certains me disaient ne pas avoir vraiment de projets pour cette dernière décennie de leur carrière, qu’ils allaient « dérouler jusqu’à la retraite ».
Ce décalage avec ce que je ressentais m’a interpellé. Je me suis dit qu’il était temps. J’avais déjà envisagé ce virage à plusieurs moments de ma carrière, mais la raison l’emportait toujours sur la passion. Cette fois, c’était un vrai choix, réfléchi et calculé : on ne se lance pas à l’aveugle à 55 ans ! Et en même temps, cela s’est imposé naturellement, car la voile a toujours été au cœur de ma vie. À huit ans, je suivais en cachette, sous ma couette, l’arrivée de la Route du Rhum à la radio. Mes parents nous ont emmenés, avec mes frères et sœurs, découvrir le large alors que je marchais à peine : Manche, Mer du Nord, Atlantique, Méditerranée… Et je n'ai jamais arrêté de naviguer depuis, jusqu’à prendre le large et traverser l’Océan Atlantique. En vieillissant, on revient plus facilement à ce que l’on est profondément.
Quels vents contraires avez-vous rencontrés au moment de vous reconvertir ?
Le principal obstacle, ce sont nos propres croyances limitantes : En suis-je capable ? Ai-je assez de réseau ? Ne suis-je pas trop vieux ? Travailler sur soi, s’entourer de personnes positives et partager ses doutes avec des proches m’a beaucoup aidé.
Autre défi : la différence de vie entre le Nord et le Sud... Il a fallu organiser nos vies familiales et professionnelles, tout en préservant ce qu’on avait construit.
Quels sont les trois grands enseignements tirés de votre formation à SKEMA qui vous servent le plus dans votre nouveau challenge professionnel ?
À SKEMA, on nous a appris à trouver des solutions, à négocier et à convaincre. Mais aussi à ne pas rester dans la théorie : il faut savoir transformer les concepts en actions concrètes, passer de l’idée à la pratique. Et puis, j’ai compris l’importance de l’organisation et de la priorisation. Décomposer un objectif en petites tâches, savoir avancer même si ce n’est pas parfait… J’appelle ça « l’imparfait efficace » et, croyez-moi, ça fonctionne souvent mieux qu’on ne l’imagine.
Avec le recul, auriez-vous aimé recommencer plus tôt ? Si vous aviez osé dans les années 1990, qu’est-ce qui aurait été différent ? Et qu’est-ce que cela révèle sur l’évolution de notre rapport au travail et à nos passions ?
Dans les années 1990, la question d’entrer dans le nautisme ne se posait pas vraiment. Je venais de démarrer ma carrière chez EY à Lille et cette opportunité l’a emporté naturellement. Ce que j’aurais peut-être aimé commencer plus tôt, c’est l’entrepreneuriat. J’ai créé ma première entreprise à 40 ans, après 15 ans de carrière chez EY et Michael Page. Avant, ce n’était pas encore le bon moment pour moi, je n’étais pas mûr alors que d’autres le sont beaucoup plus tôt dans leur carrière. Mais aujourd’hui, je mesure combien il est possible d’aligner passion et métier à tout âge. Ce n’est pas une question de timing, mais de cohérence avec soi-même.
