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Pedro Peixoto (SKEMA 2018) « Avec 10b, nous aidons les investisseurs à avoir un impact »
Pendant ses études à SKEMA Business School, Pedro a fondé le fonds d’investissement en capital privé 10b. Originaire du Brésil, cet entrepreneur ambitieux nous parle de la croissance de son entreprise depuis son lancement et du rôle qu’elle joue dans les secteurs brésiliens de l’agriculture, de la protection de l’environnement et de la durabilité.
Pourquoi avoir lancé 10b et en quoi consiste ce fonds ?
10b est un fonds d’investissement basé au Brésil que j’ai créé en 2019. Nous investissons dans des entreprises qui contribuent à rendre les secteurs de l’agriculture, de l’alimentation et de la préservation de la nature plus productifs et plus durables. Au Brésil, ces secteurs sont particulièrement importants, car le pays est le premier producteur mondial de maïs, de soja et de bœuf. On estime que la production alimentaire brésilienne nourrit près d’un milliard de personnes à travers le monde.
En tant qu’investisseur, on a la possibilité de mettre son capital au service du bien commun. Et en tant que Brésilien, si l’on veut vraiment avoir un impact, il faut investir dans l’agriculture, un domaine dans lequel le Brésil est un leader mondial. Le nom de notre entreprise vient de là : « 10b » fait référence aux 10 milliards de personnes que comptera la population mondiale d’ici 2055. Il faudra alors trouver comment nourrir tout ce monde de manière saine et durable. C’est un long chemin, et il faut commencer à investir dans ces secteurs dès maintenant pour voir des résultats à grande échelle dans quelques années.
Comment l’entreprise a-t-elle évolué depuis sa création et quels ont été vos investissements les plus marquants ?
En 2019, nous avons lancé notre premier fonds pour investir dans des entreprises proposant des logiciels, des solutions en hydrotechnologie et en biotechnologie, au service de l’élevage, du bœuf et de la production laitière. En 2020, nous avons lancé un deuxième fonds, puis un troisième en 2023.
Nous avons investi, en 2020, dans une entreprise cotée en bourse, Kepler Weber, spécialisée dans le stockage de grains. Depuis, elle connaît une croissance régulière et nos rendements sont excellents. Au Brésil, la production agricole est énorme, mais les capacités de stockage ne suivent pas, ce qui représente une réelle opportunité.
Un autre investissement important a été réalisé en 2020 dans Agrivale, une entreprise innovante qui fournit des fertilisants et pesticides biologiques fabriqués à base de bactéries et d’insectes pour lutter contre les nuisibles et stimuler la croissance des racines. La biotechnologie est un secteur en plein essor, notamment au Brésil, où sa croissance pourrait atteindre 60 % dans les exploitations agricoles d'ici 15 ans. On parle ici d’un marché qui pèsera près de 500 milliards de dollars. C’est un investissement qui suscite un grand enthousiasme et attire des acteurs du monde entier, conscients que les bio-intrants représentent l’avenir. Ces technologies agricoles de pointe améliorent également la gestion des sols et favorisent la captation du carbone, ce qui renforce considérablement la durabilité de l’agriculture — un enjeu crucial quand on sait que ce secteur représente près d’un tiers des émissions mondiales de CO₂.
Nous avons aussi investi dans Rehagro, une entreprise de Belo Horizonte active depuis 20 ans dans la formation aux métiers de l’agriculture. Elle est le principal acteur privé dans la formation post-universitaire pour les ouvriers, agriculteurs, techniciens et chercheurs. Plus de 30 000 personnes ont été formées depuis sa création, et sa croissance est très rapide.
Une autre entreprise dans laquelle nous avons investi est Seedz, qui propose des programmes de fidélité associés à des technologies innovantes pour aider les agriculteurs à améliorer leur productivité. Nous avons aussi soutenu Rúmina, qui combine logiciels, matériel, biotechnologie et solutions digitales pour les exploitants agricoles.
Notre approche consiste à rechercher des entreprises en croissance, capables de générer un impact positif tout en offrant un bon rendement aux investisseurs. Ce qui distingue 10b, c’est que nous ne sommes pas des investisseurs passifs : nous nous impliquons pleinement, siégeons aux conseils d’administration et accompagnons activement les entreprises, en véritables partenaires.
Pouvez-vous nous parler de votre dernière levée de fonds ? A-t-elle été un succès ?
Nous ne faisons pas du capital-risque classique en multipliant les investissements à l’aveugle. Nous avançons opportunité par opportunité, projet par projet. Pour la levée de fonds destinée à Agrivale, nous avons donc développé une expertise approfondie dans le domaine des bio-intrants, afin que nos investisseurs sachent précisément dans quoi ils s’engagent.
Cette levée de fonds a été réalisée auprès de notre base d’investisseurs récurrents (family offices, banques, fonds de dotation...), principalement au Brésil. Les investisseurs étrangers sont souvent plus prudents, en raison de l’instabilité politique du pays. Mais depuis l’année dernière, le monde commence à prendre conscience du rôle stratégique du Brésil dans l’agriculture. De plus en plus de fonds étrangers (en Europe, aux États-Unis, au Moyen-Orient...) manifestent un vif intérêt pour les entreprises brésiliennes. Notre processus de levée de fonds devient donc de plus en plus international, ce qui est une excellente chose pour diversifier nos sources d’investissement.
Quelles sont les prochaines étapes pour 10b ?
Nous voulons désormais aller au-delà de l’agriculture. Un secteur que nous visons est celui des vitamines, minéraux et compléments alimentaires. C’est un marché en forte croissance.
Nous voulons aussi nous concentrer sur l’environnement et les marchés carbone. L’idée serait d’acheter des terres dégradées après des années d’élevage intensif, de les restaurer, de soigner les sols, de replanter des forêts et de capter le carbone. Il y a une forte demande mondiale pour les crédits carbone. Cela permettrait aussi de produire de la nourriture bio et de soutenir les agriculteurs locaux exploitant ces terres.
Quels ont été les principaux défis et les plus grandes satisfactions depuis votre sortie de SKEMA ?
En quittant l’école, on se rend vite compte qu’on va forcément faire des erreurs, même quand on pense tout bien faire. Gérer les attentes — celles des clients, des partenaires, des entrepreneurs, et les siennes — est un vrai défi, car rien ne se passe jamais exactement comme prévu. Il faut apprendre à anticiper les pires scénarios et à s’y préparer.
Mais malgré les difficultés, ce parcours est aussi très stimulant. La vraie satisfaction vient quand on prend du recul, qu’on regarde le chemin parcouru, et qu’on se dit, malgré le stress et les doutes : « j’ai accompli quelque chose ».
Quel conseil donneriez-vous aux étudiants de SKEMA qui souhaitent entreprendre ?
Le meilleur conseil que je puisse donner est de toujours aller chercher la sagesse des personnes plus expérimentées. Parlez, échangez, entourez-vous de mentors et construisez un réseau de confiance. Vous seriez surpris de voir à quel point les gens sont prêts à vous conseiller et à vous guider.
Au final, c’est à vous de prendre vos décisions et de les assumer. Mais les retours d’expérience peuvent vous faire gagner un temps précieux.
Et surtout : amusez-vous et appréciez le chemin !
Interview par lepetitjournal.com pour SKEMA Alumni