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Pierre Ippolito (SKEMA 2011), Directeur Général du Groupe Ippolito
Lors de cette rencontre, Pierre nous partage son ascension au sein d'une histoire familiale, dont le maître mot est "s'investir".
Découvrez la récente nomination de Pierre Ippolito (janvier 2024) en tant que Membre du Conseil Executif du Mouvement des entreprises de France.
Bonjour Pierre, quelques mots pour vous présenter et retracer votre parcours ?
Bonjour, j'ai 34 ans et je suis diplômé d’un MSc en Corporate Finance, obtenu en 2011. Je suis issu d'une famille d'entrepreneurs et j'ai repris la direction générale du groupe familial IPPOLITO qui se divise aujourd’hui en 4 branches d'activité : l'automobile professionnelle, l'industrie, le tourisme et l'immobilier. Nos activités sont très diversifiées. Depuis quelques années nous avons opté pour une diversification plutôt horizontale et verticale, puis pour une diversification conglomérée depuis mon arrivée dans le groupe et à la direction générale il y a quelques années.
En choisissant une spécialisation comme le Corporate Finance, vous vous destiniez plutôt à une carrière dans la finance ?
Pour un dirigeant d'entreprise, la finance est très importante. C'est un outil de pilotage quotidien à la fois d'un point de vue opérationnel - notamment sur toute la partie contrôle de gestion (indicateur opérationnel) - mais également sur la partie financière : gestion de la relation bancaire, gestion du financement, etc.
J’ai choisi mes études dans une logique de reprise de l'entreprise familiale et il me semblait que la compétence financière était la plus généraliste et la plus pertinente à ce moment-là. J’ai d’ailleurs fait mon Master 2 en apprentissage dans le groupe parce que je voulais faire une transition souple en interne. De surcroit, je savais que j'aurais des missions tout de suite en adéquation avec mes compétences que je pourrais mettre en place dès mon embauche. L'apprentissage s'est très bien passé et l’entrée dans le monde professionnel a été très rapide.
La partie professionnelle prend d’ailleurs souvent le pas sur la partie éducative. Mais c’est un problème sans en être un, car l'avenir est quand même davantage orienté vers le monde professionnel que vers le monde éducatif, en tout cas pour mon profil. Cette période a été très instructive car j’ai profité de mon apprentissage, pour développer une double compétence puisque je m'occupais de tout le contrôle de gestion qui devait être mis en place dans la PME familiale. Je me suis donc concentré à la mise en place des indicateurs : analyser les éléments financiers et extra financiers de l'entreprise et les mettre en forme pour pouvoir les utiliser de façon récurrente auprès de toutes nos parties prenantes. Voici pour la première mission de mon apprentissage.
En parallèle, j'ai également structuré et créé le service marketing. J'ai donc lancé ces deux services qui m'ont permis d'avoir une vision globale de l’entreprise et de mettre en application ce que j'avais pu voir dans mes différentes formations et dans les différents stages que j’avais faits.
J’ai ensuite évolué vers des activités commerciales tout en pilotant aussi le service marketing. J’étais chargé de la commercialisation de certains de nos produits, notamment des véhicules utilitaires, ce qui m'a permis également d'avoir une vision commerciale et de voir la mise en musique d'une action marketing concrète.
J’ai conservé mon rôle dans le contrôle de gestion et j’assistais mon père dans la relation aux banquiers. J’ai pu ainsi découvrir la relation entre un chef d'entreprise et les partenaires financiers et aussi mettre en application ce que j'avais appris en termes d'indicateurs qui paraissaient pertinents pour un auditeur - et donc forcément pour un banquier - en matière de ratio financier à suivre.
Ensuite, mon père a été contraint de s’arrêter pendant quelques mois et j’ai dû le remplacer au pied levé à la direction opérationnelle. J’ai donc quitté mes fonctions commerciales à ce moment-là.
J’ai décidé de structurer la direction opérationnelle comme une direction financière pour structurer l’approche de l’entreprise.
Après le retour de mon père, j’ai gardé ces fonctions et lui s’est plutôt investi au sein du conseil d’administration, en back-office.
En 2014, je pris officiellement la direction de groupe. C’est à ce moment-là que j’ai vraiment commencé à impacter la stratégie et la culture d’entreprise en essayant de transformer une PME familiale en un groupe opérationnel avec des fonctions supports mutualisées telles qu’une direction marketing, une direction des ressources humaines, une direction financière, une direction IT centralisées au siège pour permettre d'avoir des process quantiques et de concentrer les sites uniquement sur l’aspect opérationnel. Ce processus a été un travail de longue haleine. J'ai vraiment mis l'accent sur la stratégie de diversification tant horizontale que verticale dans une logique de maîtrise de la chaîne de valeur du véhicule. L'idée était la suivante : nous pouvons maîtriser la chaîne de valeur des services et des produits autour du camion. Par exemple : nous étions concessionnaires, nous sommes également devenus négociants en pneumatique, parce ces véhicules ont besoin des pneus. Nous sommes aussi devenus loueurs de véhicules et réparateurs de groupes frigorifiques pour les camions frigorifiques.
Avec SKEMA c’est une histoire de famille car votre père Philippe est aussi un diplômé de l’école (promo 1985) ; pourquoi avoir choisi SKEMA à l’époque ?
Vous avez raison. Mon père a été très satisfait de sa formation donc quand j’ai cherché une formation je me suis tout naturellement tourné vers SKEMA (le CERAM à l’époque). J’ai préféré rester à Sophia Antipolis car il y avait aussi dans mon choix une logique territoriale : je souhaitais commencer à construire mon réseau professionnel sur le territoire sur lequel j’allais travailler. J’ai capitalisé plutôt sur le réseau territorial que sur une expérience extraterritoriale.
Vous êtes aujourd’hui le DG du groupe Ippolito pouvez-vous nous expliquer votre poste et vos fonctions ?
Mon poste de DG ne ressemble pas à un poste de DG de grand groupe, car j’ai encore un rôle très opérationnel. J’alterne entre du management opérationnel et de la gestion de centres de profit. J’assure le suivi quotidien du travail des directeurs de branches, j’ai aussi une fonction plus transverse d’animation des fonctions support du groupe. J’organise et je suis le chef d’orchestre du service RH, marketing, IT, services généraux dans un but d’organisation et d’efficacité organisationnelle. J’accompagne le développement du groupe dans une structuration de l'industrialisation de process de croissance externe et de relations avec toutes les parties prenantes.
Pour moi il y a 3 missions principales : l’animation des fonctions opérationnelles, la coordination des fonctions support et la représentation, c’est-à-dire être la figure marketing et symbolique du groupe.
Pouvez-vous nous présenter rapidement le groupe Ippolito ?
Une histoire de famille qui a commencé avec mon grand-père en 1968 : au début, nous étions concessionnaires et l’activité a démarré en vendant et en réparant les camions.
Aujourd’hui, le groupe Ippolito représente 930 collaborateurs (dont 70 personnes au siège), un CA de 227 000 000 d'euros avec 60 établissements sur l’ensemble de la région sud, plus de 1 500 véhicules et 30 000 pneumatiques vendus par an.
Les volumétries sont assez faibles comparées au secteur de la voiture. Le marché de l'automobile représente entre 3 et 5 000 000 de véhicules, là où le marché du véhicule industriel représente 50 000 véhicules par an.
Dans la région et dans notre secteur d'activité, nous possédons plus de 50 % de part du marché, donc un véhicule sur deux est issu de notre groupe et nous réalisons plus de 30 000 opérations de maintenance chaque année.
Des défis pour demain ?
J’avais dit que je prendrai ma retraite opérationnelle quand le groupe atteindrait 1 000 collaborateurs et nous n’en sommes pas loin ! Mais je suis encore jeune, jamais je n’aurais imaginé que nous atteindrions ce chiffre-là un jour !
Je n’ai pas vraiment un objectif de chiffres mais plutôt un objectif de sens. Tous les jours, je me demande comment je peux impacter au mieux mon territoire pour contribuer à son développement et à son rayonnement ?
Nos défis sont ceux de la transition écologique dans la mobilité, c’est un véritable enjeu.
Nous travaillons beaucoup aussi sur le sens de nos missions. Nous avons pour ambition de devenir une société à missions, de travailler sur notre marque employeur pour mettre en lumière ce que nous réalisons. En fait, peu de personnes s’en rendent compte, mais les entreprises familiales ont toujours été tournées vers la RSE. Ce que nous appelions avant la gestion familiale de proximité, c'était de la RSE. Les entreprises familiales ont une vraie culture de la RSE dans leur ADN et n’ont pas attendu qu’elle existe pour financer des projets personnels ou pour accompagner leurs collaborateurs dans leur vie personnelle grâce à des crédits. C’est quelque chose qui a toujours existé ; aujourd’hui nous devons la formaliser.
Notre véritable enjeu est d’accompagner notre entreprise historique, parfois qualifiée de polluante, puisque le camion a une image de pollueur, afin qu’elle soit actrice de la transition, actrice de la mobilité de demain et une actrice essentielle sur son territoire grâce à sa diversification conglomérée.
Voici nos défis d’aujourd’hui et de demain…
Quel rôle a joué votre formation à SKEMA dans votre parcours professionnel ?
Je relèverai surtout deux points essentiels dans mon parcours à SKEMA : l'ouverture d'esprit que cette formation m'a permis d'avoir au sens large. On pense forcément à l'ouverture à l'international, qui est ancrée dans la culture de l'école, mais ce n’est pas cette dimension-là qui a primé pour moi, c’est plutôt l’ouverture à de nombreux centres d'intérêts professionnels et extra professionnels. Je pense que c’est grâce à cette ouverture d’esprit que j’ai pensé à la diversification conglomérée sur des secteurs d'activité qui ne sont pas forcément liés à notre histoire, et que j’ai aujourd’hui cette ouverture entrepreneuriale qui était et reste dans l’ADN de l'école.
Le deuxième point, c’est l’apprentissage, qui a été le lien parfait entre les avantages d'une école comme SKEMA et le monde de l’entreprise. Ce qui fait la force du monde éducatif c'est quand il est au plus proche des besoins professionnels et opérationnels.
L'apprentissage, c'est l'illustration parfaite d’un cursus éducatif en lien avec un cursus professionnel. L’apprentissage m’a vraiment aidé dans mon parcours professionnel à être opérationnel plus rapidement.
Quels souvenirs conservez-vous de la vie à SKEMA ?
Je garde un souvenir ému de ma cérémonie de remise de diplômes au Grand Rex à Paris mais surtout, je me rappelle la fusion CERAM/ESC Lille. Je l’ai vécue de l’intérieur, nous savions que nous marquions l'histoire.
Je me souviens de l'annonce du nouveau nom SKEMA dans l’amphithéâtre, c'était un moment fort car nous avions tous conscience que nous vivions en direct un tournant historique pour l'école. Je pense que ce virage stratégique, piloté par Alice Guilhon, a permis à l’école d’être ce qu’elle est aujourd’hui.
Il y a quelques mois vous avez été élu président de l’UPE 06, quelles sont vos missions et quels sont vos projets/ambitions au sein de cette organisation ?
Pour moi, il est important d’intégrer la nouvelle génération (Y) dans nos institutions économiques et patronales. Je pense que notre société connaît de grands bouleversements, qu’elle a besoin d’être repensée, tant politiquement qu’institutionnellement.
Beaucoup de jeunes ne s'intéressent pas à la politique ou peu, par dégoût, par manque d'intérêt ou parce qu'ils n’y croient plus. J’ai la prétention de croire qu’on peut faire ce qu’on veut de ce monde mais pour cela, il faut s’investir. C’était important qu'un jeune du territoire puisse s'impliquer dans des institutions historiques syndicales. On peut faire évoluer les choses de l'intérieur en accompagnant les évolutions sociétales mais pour cela, il faut s'engager et proposer des solutions constructives. Nous devons réfléchir comment impliquer cette jeunesse, lui faire connaître nos institutions, lui montrer l'intérêt de ces institutions et voir avec elle comment nous pouvons les faire évoluer pour qu'elles répondent mieux aux besoins des entrepreneurs et des entreprises de demain ainsi qu’aux enjeux sociétaux.
Le deuxième point essentiel de mon engagement, c'est l'accompagnement de la RSE et de la transition énergétique dans les entreprises.
Les deux sont liés selon moi et doivent faire partie d’une approche globale.
Aujourd’hui, la situation environnementale, les évolutions et le réchauffement climatique doivent être pris en compte dans les entreprises, d'un point de vue écologique, d'un point de vue sociétal et d'un point de vue managérial.
Si votre entreprise ne s'intéresse pas à ces sujets-là, elle risque de connaître des problèmes de recrutement et de turnover, c'est une réalité pragmatique. C’est une des missions essentielles de l’UPE 06 qui souhaite accompagner cette transition et accompagner les entreprises de notre territoire sur ces sujets primordiaux.
Autre volet et pas des moindres, c’est la valorisation de l'entreprise dans notre société. L'entreprise doit retrouver une place importante dans notre société, c'est-à-dire que l'entreprise est aujourd'hui un pilier de l'équilibre de notre système social. Nous avons de plus en plus de missions sociétales parce que nous contribuons aux impôts et aux taxes pour financer le système. Nous sommes les premiers contributeurs des budgets parce que nous créons de l'emploi, parce que nous devons accompagner les business models de demain et parce que nous jouons un rôle sociétal qui devient de plus en plus important auprès de nos collaborateurs et dans le dialogue social qui est en train d'évoluer vers plus de transparence et d’accompagnement.
Pour moi, l'entreprise doit être reconnue par l'État, les collectivités, les élus et par la société comme l'acteur le plus important pour faire évoluer notre société. C'est une action de lobbying, mais du lobbying dans le bon sens du terme. Prenons l’exemple de Michelin : Clermont-Ferrand ne serait pas ce qu’elle est sans Michelin.
Quels projets aimeriez-vous ou allez-vous mettre en place avec SKEMA ?
Nous travaillons actuellement sur plusieurs sujets : le premier consiste à étudier avec les différentes structures de SKEMA, notamment SKEMA Ventures, comment le monde économique et les entreprises du territoire peuvent conseiller ou participer au financement de certaines institutions portées par des étudiants. Nous devons structurer les passerelles entre le monde éducatif tel que SKEMA et le secteur professionnel.
Nous participons aussi à la sensibilisation et à la découverte de métiers via la création d'un forum ou d'une journée entreprise/école, avec des tables rondes sur des thématiques où les chefs d'entreprise pourraient échanger avec les étudiants et à la fois recruter pour les stages, les apprentissages et les emplois. Nous avons la chance de vivre sur un territoire avec des secteurs d'activité variés : à nous de créer des passerelles.
Nous souhaiterions faire connaître les différents secteurs d'activité et montrer qu’en sortant d’une école de management comme SKEMA on peut travailler dans tous les secteurs d'activités et pas uniquement dans le luxe et la finance, par exemple.
Quels sont vos conseils pour nos étudiants/diplômés ?
La première chose que je leur conseillerais, c’est de s’investir dans un domaine qui les passionne, et de s’y investir pleinement. Parce qu’il n’y a rien de tel que de travailler avec passion, quel que soit son secteur, quelle que soit sa mission, quel que soit le métier, que ce soit en matière de performance, ou d’intérêt personnel.
La deuxième chose, c'est de faire les choses avec bon sens. Parfois, nous avons tendance à perdre notre approche de bon sens, parce que notre société nous y pousse. Dans ces moments-là, il est essentiel de faire le fameux pas de côté pour finalement revenir vers la voie qui a du sens pour nous et du sens pour la société, pour l'économie et pour notre parcours.
L'humanité s’est développée sur la base de ce bon sens pendant des milliers d'années donc nous devons nous inscrire dans cette histoire, malgré toutes les technologies à notre service. Donc ne l'oublions pas, et de temps en temps, posons-nous les vraies questions. Le moteur peut être l'argent mais ce n’est pas le seul moteur et ce n’est pas forcément le plus pérenne.
Contact : Pierre Ippolito - DG Groupe Ippolito et Président UPE06 et MEDEF06