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Interview

Nicolas Roux, SK 1996, Head of Agency chez LinkedIn Dubaï

19 mars 2018 Interview

Nicolas Roux est aujourd’hui Head of Agencies & Channel chez LinkedIn pour le Moyen-Orient et l’Afrique du nord. Diplômé de SKEMA en 1996, il a toujours souhaité travailler sur des marchés en croissance et dans des industries novatrices. Depuis Dubaï où il s'est installé il y a 15 ans pour développer des solutions marketing et digitales, il revient sur ses choix professionnels, motivés par l’envie d’apprendre chaque jour quelque chose de nouveau.

Avez-vous toujours souhaité travailler dans le marketing et la communication ?

Nicolas Roux : Oui, cela a été instinctif, j’ai toujours souhaité faire ça. Après mes études à SKEMA à Nice, j’ai commencé à Londres comme VSNE (équivalent du VIE aujourd’hui ndlr) pendant 2 ans pour l’agence de développement économique Cote d’Azur Développement. Je devais communiquer sur les atouts de Sophia-Antipolis et attirer des compagnies étrangères. C’était très ciblé dans les secteurs de l’informatique, la tech, les grands laboratoires, des industries en forte croissance. Cette expérience très concrète m’a fait réaliser que mon anglais n’était pas si bon que cela (rires).
 

Cette première expérience anglaise vous a-t-elle donné envie de continuer votre carrière à l’étranger ?

S’il y a un fil conducteur dans ma carrière, c’est que j’ai toujours voulu choisir des entreprises ou des lieux en plein boom, où il se passe quelque chose. Après 2 ans d’une superbe expérience, je voulais changer d’entreprise. J’avais besoin de mentor pour progresser. J’avais besoin d’autre chose tout en restant dans le monde de la communication. Londres était une superbe place pour la publicité, au cœur de la croissance européenne. Mais j’ai eu une offre à Dubaï, et je n’ai pas hésité à partir.
 

Avez-vous tout de suite aimé les Emirats ?

Je suis arrivé en 1999, au début du boom de Dubaï, on pressentait déjà ce qui allait se passer. Les énormes projets immobiliers étaient lancés, c’était très attrayant au niveau business alors que l’Europe de la fin des années 90 était plutôt en récession. Partir à Dubaï, c’était un risque facile à prendre, j’étais jeune et célibataire.

J’ai été embauché par Euro RSCG, agence publicitaire du groupe Chalhoub, qui représente tous les grands groupes de luxe européen aux Emirats. J’étais dans un cadre très stimulant. J’avais un rôle commercial et créatif : la vente de stratégies publicitaire et média au client. Gros avantage, je touchais à toute la palette de l’activité communication alors que normalement c’est très segmenté. Je travaillais main dans la main avec les créatifs et les média-planneurs. J’ai beaucoup appris.

L’expatriation est-elle une des raisons de votre rapide réussite professionnelle ?

Oui, je pense que je n’aurais jamais eu ces responsabilités si vite à Paris. Un point très positif de l’expatriation, c’est que les rôles sont moins segmentés et les responsabilités plus larges. Nos tâches étaient moins spécialisées, on pouvait prendre plus d’initiatives et même faire des erreurs. Avec la distance, il y avait moins de hiérarchie. J’ai appris beaucoup plus vite, grandi plus vite.

En revanche, à l’étranger on fait beaucoup plus d’heures qu’en France, il faut accepter le revers de la médaille. On fait de grosses journées, on finit tard, on travaille parfois le weekend… L’environnement était jeune, très rafraichissant. Et l’industrie était en pleine croissance dans les années 2000.
 

Vous avez ensuite changé d’agence…

Je suis parti chez Leo Burnett dans une optique de « retourner à l’université », de refaire du marketing pur. A l’époque, c’était une école fantastique pour les FMCG (Fast Moving Consumer Goods). J’ai travaillé sur Philip Morris et P&G, deux poids lourds FMCG, je m’occupais notamment de Marlboro et Gillette sur le Moyen Orient et l’Afrique du nord. J’y suis resté 10 ans.
 

Dans la publicité, il est indispensable d’adapter les messages aux consommateurs…

Tout à fait. La culture locale et islamique est à prendre en compte dans cette région du monde, même s’ils sont pour certains très ouverts et modernes comme aux Emirats. Il faut faire attention à respecter leurs valeurs, par exemple dans l’utilisation de l’image de la femme ou d’événements religieux dans nos communications. Cela nous pousse à développer des solutions marketing locales et ne pas copier-coller des stratégies développées à Paris ou Londres. Beaucoup plus stimulant et intéressant !
 

Comment donner au consommateur l’envie d’acheter le produit ? Est-ce un handicap de ne pas être un local dans ce cas là ?

La beauté des entreprises pour lesquelles j’ai travaillé aux Emirats, c’est le mix ethnique. En moyenne, je suis entouré de 30 nationalités différentes. En tant que Français, je suis très minoritaire. Loin d’être gêné, je me suis enrichi en travaillant avec des Libanais, Indiens, Anglais, Egyptiens, Sud Africains, Australiens… La liste est longue. Il y a des approches différentes pour donner au consommateur l’envie d’acheter. Le rôle du produit, sa fonctionnalité et son impact « life style » deviennent phare, comme la manière de le mettre en exergue. Si vous prenez le cas des cosmétiques, en général, les professionnels basent leur communication sur une mannequin superbe en compagnie du produit et lancent la campagne (même si les choses sont en train de changer positivement sur ce sujet en Europe et aux Etats Unis). Là, ce n’est pas possible. On devient beaucoup plus créatif, cela nous pousse à sortir des stratégies contenu et média plus complexes et originales.
 

Vous avez vite compris l’intérêt de la communication digitale, pourquoi ?

Il devenait de plus en plus difficile de communiquer par exemple sur le tabac sur des supports traditionnels, pour des problèmes liés au ciblage de masse (exposer votre communication à des mineurs ou des non fumeurs). Alors, chez Philip Morris, on a été les premiers à utiliser la communication digitale et son atout premier, un « ciblage au laser ». Cela m’a permis d’intégrer un nouveau circuit de croissance et d’utiliser très tôt le potentiel des canaux digitaux, de développer de nouvelles solutions marketing pour une marque.

Dans le même temps, je travaillais beaucoup avec les agences médias du groupe Publicis auquel Leo Burnett appartenait. Les agences médias prenaient de plus en plus le leadership dans le domaine digital. J’assistais à des meetings conjoints où les discussions devenaient de plus en plus techniques et sur des sujets qui sortaient de mes connaissances digitales. Afin d’éviter de devenir obsolète, j’ai pris la décision de quitter le monde des agences créatives pour les agences média, les plus à même d’être au centre de la croissance.

En 2012, j’ai rejoint GroupM et MediaCom à Dubaï, en charge du new business developpement et marketing pour la région, avec une forte tonalité transformation digitale, moteur de la croissance.

J’avais eu l’école du marketing avec Leo Burnett et Philip Morris. L’agence media fut l’école digitale. J’avais envie à nouveau d’apprendre et de me réinventer dans un environnement ultra-dynamique.

 

Vous parlez beaucoup du plaisir d’apprendre, qui semble avoir conditionné chaque choix professionnel…

Innovation et apprentissage vont ensemble. J’ai beaucoup de mal avec la routine. Apprendre dans un secteur qui vous intéresse, utiliser ses connaissances au quotidien, c’est motivant. Mes équipes devaient monter des stratégies de communication, des plans médias, des plans créa, mais il fallait les bâtir et les vendre et pour cela maitriser à 100% l’aspect digital !

De plus, le digital représentait 80% de nos revenus, c’est là que l’on faisait nos marges. Et chaque jour, de nouvelles technologies et acteurs débarquent, il faut se former constamment.

Lorsque le business model des agences a commencé à s’effondrer, j’ai intégré LinkedIn. Pour moi, c’était une décision logique. Les tech compagnies prennent le pouvoir, c’est là que la croissance se distribue et que se prépare l’avenir.

Toujours cette volonté de suivre la croissance !

L’annonce de rachat par Microsoft a eu lieu lors de mon premier jour chez LinkedIn ! Les deux sociétés restent indépendantes mais c’est assez fascinant de voir l’intégration stratégique de LinkedIn dans les produits et solutions Microsoft, cela multiplie le potentiel de LinkedIn. Et donne la possibilité de cibler des audiences sur tout un parcours digital et dans un contexte professionnel.

Tout n’est pas parfait mais des choses incroyables se passent au niveau de l’Intelligence artificielle, Microsoft travaille sur la mécanique quantique, la recherche sur le cancer, etc… bien au delà d’Office et de leurs solutions Cloud. Ces compagnies ont des croissances folles et de vrais rôles à jouer dans nos sociétés. 

Quel est votre rôle chez LinkedIn ?

Je m’occupe des partenariats avec les agences média, digitales, créatives et grands comptes. 80% de notre business passe par les agences pour nos produits marketing.

On permet aux marques, sur le B2B et B2C premium, de cibler les bonnes audiences au bon moment et avec le bon contenu, dans un contexte professionnel.
 

Aviez-vous imaginé rester 15 ans à Dubaï ?

Non, je suis venu pour 3 ans ! Et puis j’ai rencontré ma femme, j’ai eu des enfants… Je suis resté car il y avait beaucoup d’opportunités. L’endroit se réinvente en permanence. C’est très intéressant de vivre ici. Les choses changent dans la région mais les Emirats restent la seule plateforme fiable du Moyen-Orient. Il y aura bientôt 13 millions d’habitants (contre 3, 5 quand je suis arrivé !). Je suis dans un creuset formidable. Il n’y a pas beaucoup d’endroits au monde comme ça. Mes enfants vont à l’école française car ma femme est anglaise. Je voulais qu’ils aient un français parfait. Ils y sont très bien. Ils apprennent l’arabe, ils sont bilingues sans effort…. Ca fait partie des avantages de l’expatriation. Ca leur donne une ouverture d’esprit qu’ils auront toute la vie. 

Qu’avez-vous envie de transmettre aux étudiants qui vont entrer dans la vie active ?

Votre premier emploi va avoir une influence massive sur votre vie et votre carrière, parce que c’est de plus en plus difficile de changer d’industrie et on devient de plus en plus specialisé. Choisissez-le bien !

Ou alors ayez un fil conducteur, source de transformation, qui fut pour moi le digital.

Ensuite, choisissez une industrie en croissance. J’éviterais la grande distribution en ce moment par exemple, avec Amazon et le e-commerce en embuscade. Il faut se tourner vers des secteurs à fort potentiel.

Enfin, si vous avez envie de partir à l’étranger, faites-le tout de suite ! C’est plus difficile pour ceux qui ont un conjoint qui travaille, des enfants… Jeune, vous aurez moins de pression et beaucoup plus d’opportunités (et vous coûtez moins cher à l’entreprise)... Et vous aurez le droit à l’erreur.
 

Propos recueillis par notre partenaire petitjournal.com (Marie-Pierre Parlange)

 
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